Comprendre les limites planétaires

Formalisé en 2009 par Johan Rockström et le Stockholm Resilience Centre, le concept des neuf limites planétaires décrit les seuils écologiques à ne pas dépasser pour préserver la stabilité du système Terre. Ces limites portent sur le climat, la biodiversité, l’eau, les sols, et plusieurs cycles biogéochimiques. Si la septième limite a récemment été dépassées, à l’échelle mondiale, la France tente de réduire sa contribution via des politiques de transition écologique, avec des succès inégaux selon les domaines.

Changement climatique 

La France demeure un acteur historique du réchauffement mondial, avec environ 2,3 % des émissions cumulées de CO₂ depuis 1850. Malgré une baisse continue depuis 1990 de -31% environs (source : Citepa 2025, INSEE-SDES 2025), la France est encore loin d’une trajectoire compatible avec la neutralité carbone.

La réduction des émissions doit encore être accélérée pour respecter les objectifs internationaux visant à limiter le réchauffement sous 2 °C, notamment dans les secteurs du transport et du bâtiment, particulièrement émissifs.

Érosion de la biodiversité

L’indice national de biodiversité continue de reculer, malgré la Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB 2030) annoncée en 2022. Environ 28 % des espèces évaluées en métropole sont aujourd’hui menacées d’extinction.

Le renforcement des aires protégées et l’intégration de la biodiversité dans les SRADDET (Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires) et PCAET (Plan Climat-Air-Énergie Territorial) progressent, mais les pressions agricoles et l’artificialisation des sols restent majeures. La Cour des comptes a récemment rappelé que les moyens financiers affectés à la biodiversité demeurent inférieurs aux engagements internationaux pris par la France dans le cadre mondial de Kunming-Montréal.

Perturbation des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore

L’usage excessif de l’azote et du phosphore perturbe gravement les milieux aquatiques. En France, le solde d’azote agricole reste supérieur à la limite fixée pour une utilisation durable.

Si les SDAGE (Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux) et bilans nutritifs visent à réduire ces excédents, certaines décisions récentes vont à contre-sens. La loi Duplomb, adoptée en mars 2025, a notamment assoupli les contraintes environnementales sur l’épandage agricole afin de soutenir la compétitivité du secteur. Plusieurs ONG y voient un recul majeur, compromettant les progrès réalisés dans la réduction des nitrates et du phosphore.

Changement d’usage des sols

La surface forestière métropolitaine continue d’augmenter légèrement, mais l’artificialisation se poursuit, notamment autour des grandes métropoles. L’objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN) à l’horizon 2050, défini par la loi Climat et Résilience, se heurte à des difficultés d’application.

Les collectivités critiquent un manque de financement et de clarté réglementaire, tandis que le Conseil d’État a rappelé, en juin 2025, que les dérogations accordées à certains projets immobiliers nuisent à la cohérence de cet objectif national.

Utilisation mondiale de l’eau douce et cycle de l’eau

Les tensions hydriques s’intensifient, notamment dans le sud de la France. Les volumes prélevés (rivières, nappes phréatiques, lacs) tendent à diminuer, mais la sécheresse de l’été 2025 a mis en lumière la fragilité du modèle agricole intensif.

Le gouvernement a annoncé un nouveau Plan Eau 2 en juillet 2025, misant sur la réutilisation des eaux usées traitées et la réduction des pertes dans les réseaux. Cependant, la création de grands bassins de rétention continue de susciter une forte opposition en raison de leur impact local sur les écosystèmes.

L’acidification des océans : une nouvelle limite franchie

L’acidification des océans est désormais reconnue comme une limite planétaire franchie.

Selon une synthèse publiée en 2024 par le Stockholm Resilience Centre, la concentration accrue de CO dans l’atmosphère modifie profondément la chimie des océans. Cette acidification amplifie les menaces pesant sur les écosystèmes marins, notamment coralliens, et sur les chaînes alimentaires.

Appauvrissement de l’ozone stratosphérique

L’ozone stratosphérique protège la Terre des rayons ultraviolets nocifs. Grâce au Protocole de Montréal, la concentration de substances destructrices d’ozone (CFC, halons) continue de diminuer. Le rétablissement complet de la couche d’ozone est attendu autour de 2066 selon l’ONU.

La France poursuit le suivi strict de ces substances via le règlement européen SAO. Son objectif principal est de protéger la couche d’ozone en encadrant strictement la production, l’importation, l’exportation, la mise sur le marché, l’utilisation, la récupération, le recyclage et la destruction des substances qui contribuent à son appauvrissement.

Augmentation des aérosols dans l’atmosphère

Les émissions de particules fines sont en baisse constante depuis vingt ans grâce au Plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA) et à la généralisation des zones à faibles émissions. Toutefois, le 17 juin dernier, l’Assemblée Nationale a voté pour l’abandon de la généralisation nationale des ZFE en France. Malgré cet abandon, les grandes métropoles conservent leur ZFE locale.

Les pics de particules fines persistent dans plusieurs régions industrielles. L’Agence européenne pour l’environnement estime que la pollution de l’air cause encore près de 40 000 décès prématurés par an en France, un chiffre qui demeure préoccupant.

Introduction d’entités nouvelles dans la biosphère

Les entités nouvelles, comme les substances chimiques et les organismes génétiquement modifiés (OGM), peuvent avoir des effets indésirables sur les écosystèmes et la santé humaine.

La France a adopté des réglementations pour encadrer la mise sur le marché des entités nouvelles. Le règlement REACH concerne les substances chimiques et les nanomatériaux.

La  prolifération de microplastiques, notamment issus du textile et des pneus, reste une préoccupation majeure. La loi « Antigaspillage » de 2020 a interdit certaines microbilles plastiques, mais leur substitution dans les procédés industriels est encore incomplète.

La réglementation relative aux OGM encadre leur importation, leur mise sur le marché et leur culture. La France a interdit la culture des OGM à des fins commerciales depuis 2008.

Des efforts fragmentés face aux limites planétaires ?

Si la France affiche des progrès notables dans la réduction des émissions et la protection de l’eau ou de l’ozone, beaucoup de ses politiques demeurent fragmentées ou contredites par d’autres décisions, comme en témoigne la loi Duplomb. Or, dans un contexte où plusieurs limites planétaires sont déjà franchies et où certains points de bascule écologiques — tels que la fonte irréversible des glaces arctiques ou la déforestation amazonienne — pourraient entraîner des changements abrupts et irréversibles, la cohérence des politiques environnementales devient une urgence absolue. Seule une approche systémique, capable d’anticiper ces dynamiques critiques et d’articuler les actions sectorielles au sein d’une stratégie commune, peut encore éviter l’enchaînement de ruptures écologiques globales.

Perspectives :

L’enjeu dépasse la réduction d’impact pour repenser collectivement nos systèmes économiques et industriels. Plutôt que de multiplier des initiatives dispersées, il s’agit de concevoir de nouveaux modèles de production, d’échanges et de gouvernance capables d’opérer à l’échelle du vivant. En misant sur la coopération intersectorielle et l’innovation soutenable, la France pourrait devenir un moteur de cette refondation industrielle compatible avec le fonctionnement de la planète.

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